Pourquoi suis-je ici, mis à part le fait que je sois membre d’une association de dialogue interconvictionnelle ? Quel apport pourrais-je bien avoir par rapport à celui de Jean Pierre Jacob ? C’est surtout lié au fait que je suis assez impliqué dans la vie chrétienne. Et je voudrais aujourd’hui partager mon vécu, mes raisons mais aussi ce que mes découvertes m’ont apporté.
I) Ma découverte de l’aumônerie
Il y a maintenant quasiment 10 ans de cela, deux témoins de Jéhovah ont frappé à ma porte : qui aurait cru que je découvrirais le catholicisme grâce aux témoins de Jéhovah ? A l’époque, j’avais bien évidemment une idée de ce qu’était la bible mais je ne l’avais jamais lue. Et ces deux témoins de Jéhovah me donnèrent une copie de leur traduction de la bible : la traduction du nouveau monde comme ils l’appellent. J’ai donc commencé à lire la Bible. Malheureusement pour moi, ils ont oublié de me dire qu’il ne fallait pas lire la bible dans l’ordre des textes : parce que moi j’ai commencé à lire la bible par le pentateuque et je vous avoue qu’à 16 ans lire le deutéronome ou le lévitique ce n’est pas amusant.
Forcément de fil en aiguille, la lecture de la bible m’emmena à la porte des églises. Puis pour mes études j’ai été amené à déménager, je suis arrivé à Paris puis à Brest et j’ai découvert l’aumônerie des étudiants à Paris, ce qui fût une expérience que j’ai poursuivie ici à Brest. Pourquoi je suis allé à l’aumônerie : Oui à l’origine c’était pour découvrir le christianisme. J’avais et j’ai toujours tellement de questions : et vous le savez à chaque réponse trouvée des dizaines de questions se posent.
Et petit à petit, l’aumônerie s’est transformée en un rituel, une habitude. Mercredi soir, soirée aumônerie. D’une recherche de foi et de réponse j’ai trouvé des amis. Aujourd’hui pour moi il n’est pas question d’aller à l’aumônerie parce que j’ai des questions, loin de là ! D’ailleurs ce n’est pas forcément là que je trouverai mes réponses ! J’ai rencontré finalement une famille, des amis ! Pour l’instant je ne me vois pas quitter l’aumônerie ! D’ailleurs c’est grâce à l’aumônerie et aussi grâce à Jean Pierre Jacob qu’aujourd’hui l’association Coexister de Brest existe ! (j’y reviens). Tous les mercredis soir je dîne avec l’aumônerie catholique et à chaque fois de façon systématique les jeunes s’assurent de cuisiner un petit plat végétarien pour moi ! Jamais je ne suis sorti de l’aumônerie le ventre vide parce que je n’aurais pas pu manger ! Et pourtant c’est une aumônerie pour jeunes étudiants chrétiens, ce serait à moi de me débrouiller pas à eux de penser à moi !
Cet accueil formidable, cet attachement que j’ai aujourd’hui vis-à-vis de l’aumônerie, je la dois non seulement aux jeunes étudiants qui la fréquentent régulièrement mais aussi à l’aumônier Le père André ainsi qu’à Armelle et Laure ! Comme je vous l’ai dit, j’allais tous les mercredis à l’aumônerie. J’habite pour ceux qui connaissent dans la commune de Plouzané et je n’avais pas de voiture ! Le père André me déposait tous les mercredis soir à minuit chez moi, et ça faisait pour lui un détour de quasiment trois quarts-d’heure ! Je ne pouvais qu’être touché par cette attention ! D’ailleurs petite anecdote, tous les ans il y a une rencontre nationale de jeunes étudiants en grande école, et il y a deux ans c’était à Paris ! L’aumônerie de Brest y est allée avec le père André et je faisais partie de l’aventure ! Arrivé à Paris, la nourriture était prise en charge par l’organisation et il y avait prévu un gratin à base de lardon ! Le père André était à ce moment beaucoup plus inquiet que moi-même sur ce que j’allais bien pouvoir manger ! Il s’était arrangé pour trouver des chips, du pain et je ne sais plus quoi d’autre pour moi !
L’aumônerie en plus de m’avoir donné des amis, une certaine famille, une joie m’a aussi rempli spirituellement de par les évènements qu’elle organise mais aussi par le biais des visites qu’elle organise
II) Visite de lieux
Grâce à l’aumônerie j’ai pu aller au Carmel de Morlaix, à l’abbaye de Landévenec, au Mont Saint Michel, au monastère de Cholet, et bien d’autres endroits !
Quand on a une conviction différente, je trouve qu’il est difficile du moins au début d’être touché par la spiritualité de l’autre conviction ! J’allais régulièrement à la messe le dimanche soir à Saint Louis. Certes j’y vais car le seul fait d’être dans une église souvent m’apaise, me permet de me débarrasser de tous les poids de mes problèmes, c’est certes une sorte de libération ! Mais j’avais eu du mal à réellement ressentir cette lumière intérieure. Ma rencontre avec le catholicisme avant la découverte de l’aumônerie n’était que de l’ordre rationnel et intellectuel ! Je n’avais pas réellement « vécu » ma découverte du christianisme, je ne l’avais pas ressentie ! Je n’ai tout simplement pas été touché par ma découverte !
C’est en allant au Carmel de Morlaix, que tout a changé ! Parler d’un dialogue entre chrétien et musulman et se contenter de comparer les deux religions, d’accorder la parole à l’autre, de lui accorder le droit d’être sans critiquer, sans lui jeter l’anathème, sans affirmer qu’il est voué à l’enfer, tout ceci à mon sens n’est que le début d’une véritable découverte de la conviction de l’autre ! A mon sens, tant que la spiritualité de l’autre n’a pas été découverte, nous ne pouvons pas affirmer connaître sa conviction ! Je n’affirme pas connaître le christianisme, loin de là !! Ce que je dis c’est que la spiritualité a forcément une part importante dans une religion, et qu’elle se doit d’être découverte dans le cadre d’une découverte interreligieuse ! A titre d’exemple, je suis convaincu que vous serez d’accord avec moi qu’il y a une grande différence entre savoir que l’eucharistie est pour les catholiques véritablement chair et sang du Seigneur et le vivre réellement en tant que chrétien !
Il en était de même pour moi ! J’avais lu, entendu des choses mais je n’avais jamais eu la chance de découvrir la réalité ! Et je vous assure découvrir la spiritualité de l’autre est d’une certaine façon douloureux ! Il est facile de se dire ma conviction est la bonne, puisqu’elle m’enrichit, mais que dire lorsqu’on découvre que la conviction de l’autre l’enrichit aussi !
Pourquoi le Carmel ? Je ne sais pas ! Peut-être parce que j’y suis allé une ou deux semaines après avoir participé à un week-end organisé par les franciscains de Cholet ? Ou peut-être parce que les carmélites accordent une assez grande place à la méditation et pour quelqu’un comme moi qui aime lire, poser des questions et réfléchir, c’était ce qui convenait ? Je n’en sais rien, les « voix du Seigneur sont impénétrables » diraient certains !
Quoi qu’il en soit, cette découverte fût pour moi une sérieuse remise en questions ! Et je tiens à nouveau à remercier le père André, qui fût à nouveau là pour moi ! Il a été pour moi un père spirituel et jamais je ne pourrais suffisamment le remercier pour m’avoir aidé, m’avoir conseillé.
III) Découverte des autres convictions chrétiennes
Comme vous en doutez je ne me suis pas contenté de découvrir, d’interagir avec le catholicisme ! Malheureusement je n’ai pas beaucoup connu l’orthodoxie ! J’ai eu l’occasion d’assister à un baptême, à la liturgie et quelques repas avec le père Calès ! C’est une des choses que je voudrais pouvoir approfondir !
Non je voudrais maintenant parler de ma découverte du protestantisme ! L’église réformée de Brest n’a pas beaucoup de paroissiens et de ce fait n’organise pas beaucoup de choses ! Une fois par mois, l’église organise une étude biblique le jeudi soir de 20h à 23h ! Cette étude se veut assez poussée ! L’année dernière il y a eu une séance pendant le mois de ramadan. Et puisque la rupture du jeune est à 22h30, chaque participant avait apporté de la nourriture pour que je puisse manger pendant l’étude ! Je m’étais retrouvé avec une grande quantité de nourriture ! D’ailleurs même si il n’est pas là je tiens à remercier le pasteur Block. Il participe souvent aux évènements de l’association Coexister.
Qu’est-ce que Coexister ? C’est un mouvement de jeunesse qui promeut le dialogue interconvictionnel entre croyants et non croyants, juifs, chrétiens, musulmans, agnostiques, athées,…. Il n’a pas pour but que le dialogue, nous souhaitons contribuer au vivre ensemble ! Pour nous le dialogue ne suffit pas, il faut en plus agir ensemble : c’est pourquoi nous organisons des visites de lieux de cultes, des conférences mais aussi des actions de solidarité. A Brest nous essayons d’organiser une colocation interconvictionnelle pour l’année prochaine. L’idée est donc de montrer que le dialogue n’est pas simplement un principe théorique, mais qu’il peut être vécu au quotidien. L’association a entre autres organisé deux tours du monde : l’idée est de faire le tour du monde et de découvrir les initiatives qui sont prises un peu partout pour le dialogue interconvictionnel et ensuite s’en inspirer pour améliorer la situation ici en France.
Ainsi l’année dernière pendant le mois de ramadan, nous avions organisé « un demi-jeune » qui consistait à cesser de manger à la mi-journée c’était à dire à 14h et de ne manger ensuite qu’à 22h30 avec la communauté musulmane. Et le pasteur Block faisait partie de ceux qui y ont assisté : ce fût pour lui la première fois qu’il entrait dans une mosquée !
Certes, de façon générale ma rencontre avec le protestantisme a été moins spirituelle, moins intime, elle fût cependant tout aussi enrichissante intellectuellement ! Certes il est plus complexe d’interagir avec des protestants évangéliques, lié à leur volonté prosélyte, il n’empêche que j’ai eu l’occasion d’aller à une rencontre nationale de jeunes protestants qui n’est organisée qu’une seule fois tous les trois ans ! Comment rester de marbre, lorsque vous voyez le dimanche matin dans le Zénith d’Orléans 4 000 jeunes protestants en larmes devant un pasteur qui parle de la vie du personnage biblique Samson.
IV) Conclusion
En guise de conclusion je dirais deux choses. D’une part merci : merci à Jean Pierre Jacob pour tout ce que vous avez fait pour moi : sans la grande contribution de Jean Pierre Jacob jamais l’association Coexister Brest n’aurait vu le jour, jamais je n’aurais eu la chance de découvrir la chapelle des Sept Saints, ou encore de découvrir les différentes conférences organisées par le Credi, ou encore de découvrir la communauté bouddhiste ou juive de Brest ! Merci d’avoir été là !
Et je tiens à remercier le père André, à la fois ami, père spirituel, vous en avez tellement fait pour moi mais aussi pour tous les jeunes de l’aumônerie, merci pour tout.
Enfin je voudrais conclure sur une vidéo. C’est le témoignage de quatre personnes : d’abord Thibault Tekla qui a fait un master de droit canonique et qui maintenant est à Paris en train de rédiger une thèse sur le dialogue entre catholiques et sunnites. Ensuite un jeune musulman Ismaël Medjdoub qui fait partie des jeunes qui ont fait le tour du monde dont je vous ai parlé tout à l’heure. Ensuite un témoignage de l’Abbé Jacques Seck de l’abbaye de Dakar. Et enfin du grand Rabbin de Pologne. Merci.